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Le choc est un puissant tonique

Dernière mise à jour : 5 janv. 2023


Pour commencer revenons quelques secondes plus tôt :


N'est ce pas l'impact de la photo de l'oeuvre de Paul McCarthy illustrant cet article qui aura soulevé chez vous la curiosité de le lire ?


Paul McCarthy, Horizontal, 2012



Réseaux sociaux et stérilité Notre appétit pour LinkedIn, Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat... est sans doute de nature assez différente en fonction de l'appli, mais nous pouvons identifier cependant une envie qui nous est commune, à savoir celle d'y trouver la matière dont nous avons besoin pour nous sentir bien (connaissance, information, familiarité, solution, distraction...). Pour moi cette matière tant convoitée répond au nom d'ÉTONNEMENT. N'avez vous jamais refermé la page de votre réseau social préféré en vous faisant certaine fois la réflexion que les propos tenus étaient finalement bien ennuyeux ? Je compare cette sensation que j’éprouve moi aussi de temps en temps avec celle que je ressens en ouvrant mon frigo aux heures de fringales : j'attends en vain qu'un aliment sorte des rayonnages pour me séduire et déclencher mon envie de le dévorer... Mais quelle tristesse de ne pas reverdir à la surprise de l'acidité d'un cornichon au milieu de l’après midi ou à la rencontre fortuite avec un reste de dîner oublié de la veille. Même constat finalement devant l'absence de séduction d'un fil d'actualité... bien loin de l'ivresse que me procure à coup sûr une chanson du Yellow Magic Orchestra ou un titre de Radiohead. La question récurrente pour moi est donc la suivante : où trouver "le tonique" quotidien dont j'ai besoin pour entretenir ma créativité.

Les images controversées sont souvent des mets de choix mais les esprits de nos contemporains préfèrent de plus en plus travailler de manière nuancée, se teignant au fil du temps, d'une pellicule soporifique uniforme.


Paul McCarthy, That girl, 2013




Paul McCarthy - Exposition New York (mai/juin 2013)



Être choqué par l'art L'art incarne une concentration des courants de pensée qui vont ensuite circuler, bien des années après, dans les sphères sociales, philosophiques, managériales et s'installer à terme dans notre façon de codifier le monde dans lequel nous vivons. Allen Jones 1969, l'artiste anglais Allen Jones expose trois œuvres de "meubles" qui montrent des femmes portant des vêtements fétichistes présentées comme des objets. A l'époque ces œuvres ont suscité la controverse et n'ont rien perdu, 50 ans plus tard, de leur pouvoir de provoquer la colère.


A gauche - Chair (1969)

A droite - Hatstand, table and chair (1969)



Jones les a produites au moment où le mouvement de libération des femmes prenait son essor. Les artistes féminines de l'époque ont critiqué férocement le regard masculin exprimé. Jones a déclaré en 2014 : "Les sculptures sont prises au piège dans leur temps, mais heureusement, les gens sont assez intelligents pour les apprécier sous un autre regard aujourd'hui et les considérer comme une invitation à réfléchir sur l'humanité".



Margaret Harrison

Margaret Harrison, autre artiste du Royaume-Uni née en 1940, fut elle aussi interdite et malmenée par la critique et le public lors de ses expositions du début des années 70.

Fondatrice du Women's Liberation Art Group, Harrison explore l'identité de genre, les stéréotypes et plus largement les questions touchant les femmes telles que l'égalité salariale, les droits des travailleurs à domicile, la violence conjugale et le viol. Dans ces œuvres, l'artiste utilise l'humour pour explorer les préoccupations masculines, la manière dont les médias décrivent les femmes et le pop art. Elle qualifie ses œuvres comme "anti-pornographiques" au simple titre qu'elles ont été dessinées par une femme. En 1971, la police avait fermé le lieu d'exposition accueillant les dessins de l'artiste au motif d'indécence.


A gauche - Banana woman (1971)

A droite - Allen Jones and P.T.A. (2010)


L'art du choc est accessible à tous car il provoque une réaction instantanée, même si celle ci s'apparente au dégoût.

Nous vivons dans un monde où la notion même de capacité de choc s'effrite alors que les images de l'actualité via les médias sont, quant à elles, de plus en plus crues et effrayantes.

Aujourd'hui une œuvre d'art peut être n'importe quoi, mais l'un de ses rôles est et restera encore de choquer, de provoquer et de nous déstabiliser.

Peut-être que chacun d'entre nous avons besoin occasionnellement d'une gorgée de ce puissant tonique pour rester attentif aux possibilités de la vie, pour nous aider à comprendre notre propre fonctionnement et nous donner l'audace de regarder vers des directions qui resteraient sinon, dans l'ombre de la pensée unique, de l'étiquette et de la convenance.

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